La fille du gendarme.

« Les illusions amoureuses », Le Sourire, n°947, 27 Juin 1935.

Après la faillite du livre de luxe, provoquée par la crise économique des années 30, Chas doit, pour gagner sa vie, retourner frapper à la porte des journaux illustrés.  Il a conscience de renoncer ainsi à son indépendance et à une certaine forme d’intégrité artistique.  « Je vivoterai sans doute », écrit-il à sa fille, « mais quels abandons d’avenirs et de rêves, en me pliant à des besognes, je te l’ai déjà dit, que j’ai refusées depuis très longtemps. »

La presse quotidienne fait alors une grande consommation de dessins. Le Petit Parisien, Gringoire, Paris-Midi lui ouvrent leurs colonnes. Mais aussi les hebdomadaires illustrés, tel Le Sourire.

En juin 1935, il réalise trois dessins cruels sur le thème des illusions amoureuses.

Une représentation d’opéra a enflammé les sens de ce couple de bourgeois replets. Ils ont la libido Louis XIII. Emporté par la passion le bonhomme a gardé ses fixe-chaussettes.

L’opéra est sans doute le Philémon et Baucis de Gounod. On ne sait par quelle lubie les deux personnages de Chas, à la vulgarité éléphantesque,  peuvent s’identifier aux amoureux de légende!Heureusement le lit semble robuste et capable de supporter leur rut.

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Autre dessin, une « cinéophile » fantasme sur le bel acteur en couverture de Ciné-Revue. John Nevermore est évidemment une allusion à John Barrymore, surnomme « le Profil ». Enlaçant son oreiller, la fille se pâme, provoquant la fuite du petit chat. Son imaginaire est encore plus dérisoire que celui des amateurs d’opéra. Et comme souvent avec Chas, on en vient à la conclusion que les hommes et les femmes devraient se taire!

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Le dernier dessin est sans doute encore plus méchant. Un bon vieux satyre a cédé à la tentation du fruit vert. Il aurait du réfléchir que sa bedaine, son nez  couperosé, son crâne chauve, ses bajoues et ses chaussettes à pois n’ont guère de quoi émoustiller la jeunesse.

Il va falloir payer maintenant car le père de la gamine est gendarme. Les illusions parfois coûtent cher…

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L’humanité apparaît aussi ridicule que consternante. Et le seul personnage qui semble lucide et en parfaite possession de lui-même est la fillette sournoise.

On retrouve ici ce que Sternberg nomme « l’humour gris de Chas Laborde, proche de la révolte et du mépris. »